Mayotte - Manifestation contre la vie chère (actualisé à 20h35)

Mamoudzou: un mort et un blessé

  • Publié le 19 octobre 2011 à 20:35

Un manifestant de 39 ans a trouvé la mort et un autre a été grièvement blessé au cours d'affrontements avec la police, ce mercredi 19 octobre 2011 à 12 heures, à Mamoudzou, la ville principale de Mayotte. Les faits se sont produits alors que les policiers voulaient dégager un barrage. Un homme est décédé après qu'une grenade assourdissante ait explosé près de lui. Selon les premières informations données par la préfecture de Mayotte, la victime serait morte d'une crise cardiaque. Une version qui n'est finalement pas reprise dans le communiqué conjoint publié en début de soirée par la préfecture et l'hôpital de Mayotte. Pour sa part, le blessé a reçu une balle de flashball dans la poitrine. Alors qu'il se trouvait au sol, une grenade lacrymogène a explosé près de lui. Il a été transporté à l'hôpital. Dimanche, une centaine de membres des forces de l'ordre a débarqué dans l'île aux Parfums.

Ces faits dramatiques se sont déroulés en milieu de journée tout près de la place de la République où des milliers de manifestants se rassemblent tous les jours pour protester contre la vie chère. Selon des témoins de la scène, un barrage avait été dressé au rond-point situé près de la place. C'est pour dégager la voie que les policiers sont intervenus. "Ils ont commencé à tirer les grenades lacrymogènes, et tout à coup, il y a eu un bruit énorme. La personne qui était devant moi a tenu sa poitrine et elle est tombée par terre", raconte Ibrahima, un témoin de la scène. La victime venait de faire un malaise cardiaque déclenché par la peur de la grenade assourdissante. "Ce sont effectivement les premières informations que nous avons. La personne est décédée à l'hôpital à la suite de son malaise cardiaque", confirme le service communication de la préfecture de Mayotte.

Au cours de ce même affrontement, un jeune homme qui essayait de franchir le barrage avec son scooter a reçu une balle de flashball tirée par un policier. Une grenade a ensuite explosé dans sa proximité immédiate. Il a été blessé, mais "ses jours ne sont pas en danger", affirme le service communication de la préfecture de Mayotte.

"Il se pourrait qu'il y ait eu confusion entre la personne qui serait décédée d'un malaise cardiaque et celle blessée par un tir de flashball", explique encore le service communication. Dans un premier temps, en effet, c'est l'information disant qu'un manifestant a été tué par un tir de flashball qui a circulé à Mayotte. C'est toujours, ce que pense, d'ailleurs, bon nombre de manifestants présents sur place. Une enquête sera ouverte par le parquet pour déterminer dans quelles circonstances exactes le drame s'est produit.

Ces faits ont eu lieu alors que Élie Hoarau, député européen, Jean-Hugues Ratenon, président de l'Alliance des Réunionnais contre la pauvreté, Gilles Leperlier, l'AJFER (Alliance des jeunes pour la formation et l'emploi à La Réunion) donnaient une conférence de presse à quelques dizaines de mètres de là. "Nous étions en train de tenir notre conférence de presse lorsque nous avons entendu du bruit et des cris. Des gaz lacrymogènes ont immédiatement envahi le bar où se tenait notre rencontre avec la presse", relate Elie Hoarau. "C'est au moment où le jeune a voulu traverser une voie protégée par la police qu'il a reçu une balle de flasball en pleine poitrine", affirme Gilles Leperlier. "Le jeune est tombé sur le sol, il semblait ne plus respirer", dit encore le responsable de l'AJFER. Après qu'il soit tombé sur le sol, une grenade lacrymogène a explosé "quasiment sur lui".

Selon d'autres témoins de la scène, en voyant les deux personnes allongées sur le sol, des manifestants indignés se sont retournés contre les forces de l'ordre. "Les policiers n'étaient pas vraiment en danger et plutôt occupés à faire dégager les gens qu'à porter secours aux blessés", raconte un témoin encore sous le coup de l'émotion. "L'un deux (vraisemblablement la personne victime de la crise cardiaque - ndlr) est resté longtemps par terre avant qu'on ne s'occupe de lui", dit encore le témoin.

Les pompiers ont finalement été alertés. Sur place, ils ont tenté de ranimer en vain la personne. Les deux victimes ont été transportées à l'hôpital de Mamoudzou où le décès de l'une a été constaté. Dans un premier temps, la préfecture indiquait que la victime était morte d'une crise cardiaque.

Finalement dans un communiqué publié conjointement en début de soirée par la direction du centre hospitalier de Mayotte (CHM) et la préfecture de Mayotte, il est simplement noté que suite "à l'appel d'un particulier à 10h45, les moyens SMUR du CHM se sont déplacés place du Marché pour secourir un patient déjà pris en charge par les pompiers lesquels entreprenaient un début de travail de réanimation". Après sa prise en charge médicale, "le patient a été transporté immédiatement aux urgences où il a été admis à 10h52" dit encore le communiqué. "En salle de déchoquage, les praticiens intervenants (urgentiste, anesthésiste, réanimateur, chirurgien) ont entrepris en vain une réanimation cardiaque durant une heure. Le patient, âgé de 39 ans, est décédé vers 12 heures. La justice a décidé d'ouvrir une enquête relative aux circonstances" termine le communiqué. Aucune indication n'est donnée sur la cause de la mort.

Vers 13 heures ce mercredi, le président du conseil général de Mayotte, le socialiste Daniel Zaïdani, est allé a la rencontre des manifestants regroupés sur la place. Devant un millier de personnes, il a pris la parole pour "dénoncer l'agression contre les Mahorais". Élie Hoarau s'est également adressé à la foule pour dire son "indignation" et "apporter le soutien du peuple réunionnais".

Après ces prises de paroles, la foule des manifestants a commencé a se diriger vers une centrale d'achat afin de la faire fermer. Elle a ouvert ses portes en début de matinée. Très en colère, les manifestants parlent aussi de "marcher sur la préfecture pour déloger le préfet". Du côté de la préfecture, on ne cachait pas que "la situation est très très tendue actuellement à Mamoudzou".

Quelques barrages ont été dressés, en début de matinée, dans plusieurs ronds-points de l'île par des manifestants refusant l'accord signé entre FO et le patronat au sujet de la vie chère. Ce protocole d'accord portait, entre autres, sur huit des onze produits, dont la population mahoraise demandait une baisse significative des prix.

Ce mercredi en fin d'après-midi dans un communiqué, Marie Luce Penchard, ministre de l'outremer, dit avoir appris "avec une très vive émotion le décès d'un homme de 39 ans". Elle annonce que le Procureur de la République a ouvert une enquête et, dit-elle "je souhaite que toute la lumière soit faite sur ce drame". Elle ajoute que son "émotion est d'autant plus grande que depuis deux jours le dialogue avait retrouvé ses droits", et "qu'un accord avait été signé avec l'un des syndicats majoritaires". Malheureusement, conclut-elle "des groupes isolés" continuent "à faire le choix de la violence".

La ministre de l'Outre-Mer qui devait être en visite à La Réunion ce jeudi 20 et vendredi 21 octobre a finalement annulé son séjour "en raison de la situation à Mayotte" (voir article par ailleurs).

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