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Salines, père de Lola, tuée au Bataclan : "Je n'ai pas de haine"

  • Publié le 5 novembre 2016 à 19:48

Lola repose dans la division 62 du cimetière du Père Lachaise.

" Il y a un an, Georges Salines, auteur de "L'Indicible de A à Z" et président de l'association "13-Novembre: Fraternité et Vérité", perdait sa fille Lola, 28 ans, tuée au Bataclan.
Question - Lola a été tuée par un commando jihadiste il y a maintenant un an. Cette date anniversaire a-t-elle un sens pour vous?
Réponse - L'anniversaire, je le redoute, je redoute l'agitation qu'il va y avoir. Moi j'y pense tous les jours, le fait que douze mois se soient écoulés, ça ne change pas grand-chose. Mais je considère que la mémoire est importante. En ce sens, ça sera toujours une date importante, une occasion d'en parler.
Quand vous perdez votre fille, la souffrance liée à l'absence est éternelle. Je n'éclate pas en sanglots trois fois par jour maintenant, mais ça peut encore m'arriver. Il y a des éléments déclencheurs, des choses personnelles, une forte émotion esthétique, mais aussi des choses plus évidentes comme les attentats de Bruxelles et Nice.
Écrire un livre, c'était clairement thérapeutique. J'ai commencé à écrire parce que j'avais besoin de ne pas oublier. C'était un moyen de réfléchir à ce qu'il m'était arrivé et à ma fille, sans souffrance. J'écrivais avec plaisir, alors que quand je pensais, je pensais avec souffrance. Je ne suis pas allé voir de psychiatre, ça doit avoir remplacé ça.
Q - Vous évoquez dans votre livre des moments très intimes de votre vie, n'avez-vous pas peur de trop vous exposer? Comme aussi dans votre rôle de président d'une association de victimes?
R - J'ai dit beaucoup de choses dans mon bouquin, mais je n'ai pas tout dit. Être président de 13-Novembre, c'est fatiguant, on s'expose, on prend des baffes. J'ai la sensation de payer de ma personne mais si on se bat, c'est qu'on a l'impression d'être utile. J'ai créé une association parce que j'avais envie de mener un certain nombre de combats, notamment dans la prise en charge des victimes et de leurs proches. Il y a des progrès qui sont faits mais ils sont d'une lenteur... A terme, l'association aura un autre président. Je continuerai à ?uvrer, quand on a été victime d'un événement, on l'est toujours, ma fille ne sera jamais là.
Q - Vous écrivez que l'homme qui a tiré sur votre fille "n'était que l'ultime maillon d'une chaîne de culpabilité". Qui jugez-vous responsable?
R - La culpabilité est clairement celle de Daech (le groupe jihadiste Etat islamique, NDLR). Mais il peut y avoir des interrogations sur les responsabilités. Je pense qu'on était insuffisamment préparé à un attentat de cette dimension.
Je suis l'enquête judiciaire parce que je souhaite savoir qui étaient les tueurs, les commanditaires et que la police soit en mesure de démanteler les réseaux pour que ça ne se reproduise pas. Mais je n'ai pas de haine. Vis-à-vis de qui? Du chef de Daech al-Baghdadi ? J'ai du mal à le visualiser cet homme-là... Les gens qui ont tué ma fille sont morts. Les commanditaires, j'ai peu d'espoir qu'ils soient traduits en justice. Mon deuil et mes émotions pour ma fille sont assez déconnectés de la dimension criminelle ou politique. Ce qui domine, c'est que ma fille n'est plus là.

Par Sandra FERRER - © 2016 AFP

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