Environnement

Déchets : une filière sensible, et mystérieuse...

  • Publié le 12 mai 2015 à 14:15

Sur fond de centres d'enfouissement sursaturés, La Réunion se débat avec ses déchets qui se révèlent être de drôles de matériaux. Ainsi selon l'exemple de la Cinor, il apparaît que moins on en produit, plus il faut payer, que des chiffres mensuels qui devraient être publics ne sont communiqués qu'après avoir été soumis à un imprimatur politique et qu'enfin, d'un mois sur l'autre, de Nicollin Réunion aux nouveaux attributaires, 30 000 tonnes de déchets s'évaporeraient potentiellement sur l'année... (Photo d'archives)

Sur la Cinor, si en deux ans 7386,73 tonnes d’ordures de moins ont été collectées, les administrés ont eu à payer 2,8 millions de plus, via la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui représentait près de 95% des recettes en 2012 ; les dites recettes s'élevant à "34,1 M€ en augmentation par rapport à 2011 (+6,07%)…", toujours selon le SPED 2012.

Pour en savoir plus, difficile de se prononcer, car si l’article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales et le décret n° 2000-404 du 11 mai 2000 font obligation à la CINOR, entre autres, de publier annuellement un rapport sur le prix et la qualité du service public de collecte et d’élimination des déchets ménagers, le dit SPED, les données 2013 ne sont apparemment pas en ligne, quant à celles de 2014, selon la Cinor, elles ne seront pas rendues publiques avant juin 2015, faute "d'avoir été validées par les élus du conseil communautaire". Or ces chiffres sont connus puisqu’ils ont servi à la rédaction de l’appel d’offre visant au renouvellement du marché de transit sur le centre de la Jamaïque, et sur celui de la gestion (pesée et facturation) du centre en question.

En quoi les élus de la Cinor peuvent-ils intervenir sur des tonnages d'ordures pesées, facturées et payées, des mois voire des années plus tôt, et en soumettre la publication à un imprimatur politique ? Sans doute faut-il y voir une volonté de contrôle… Il faut d’ailleurs se féliciter de ce que la Cinor a pris, début 2015, la responsabilité de créer une régie de recette à laquelle la STAR, nouveau prestataire, reverse les encaissements des tiers venant déposer leurs déchets

La société Nicollin Réunion assurait précédemment tout à la fois le transport, la pesée et la facturation des déchets que la Cinor lui réglait rubis sur l'ongle.

D'ailleurs, c’est sur la foi des éléments fournis par Nicollin Réunion (Cahier des clauses techniques particulières) en prélude au renouvellement du marché de transit des déchets sur la Jamaïque, que le gisement concerné par la prestation de pesée, stockage temporaire et transport vers Sainte-Suzanne a été évalué à 90 000 tonnes par an, ce qui fait une moyenne de 7500 tonnes par mois.

Mais dans la pratique, avec les changements d'attributaires, ce gisement paraît ne plus représenter, selon les chiffres enregistrés par la Cinor, et les facturations détaillées qui en découlent, qu’une moyenne de 5000 tonnes par mois – 4907,10 t pour le seul mois de mars ; ce qui donnerait  60 000 tonnes à l'année… Une fluctuation étonnante, au vu de la baisse modique précédemment enregistrée entre 2010 et 2012 (7386,73 tonnes de moins).

30 000 tonnes de déchets ne s'évaporant pas ainsi du jour au lendemain suite à un simple changement de mode de gestion sur le centre de transit de la Jamaïque, on est en droit de s'interroger sur leur devenir ou leur existence présumée, mais dûment facturée.  Ces 30 000 tonnes seraient-elles liées intrinsèquement au fonctionnement de Nicollin Réunion ? Elles ont cessé d'être, ou d'apparaître, dès que l’attributaire a changé… Nous avons interrogé Nicollin Réunion, dont l’un des responsables a pris connaissance de nos questionnements, déclaré qu’il s’en ouvrirait à sa direction et affirmé qu’on nous rappellerait sous 24 heures… Un rappel qui n’est jamais intervenu.

Nicollin Réunion percevait (chiffres SPED 2012), 1 992 277 euros par an dans le cadre du marché de transit des déchets de la Cinor, pour assurer la pesée et le transit vers les centres de traitement, soit sur la base de 90 000 tonnes/an, un service payé à 22,13 euros/tonne, ce qui produirait du simple fait du changement d’attributaire, sur le même service, un différentiel de 665 000 euros par an. De quoi s’interroger sérieusement sur ce qui le motiverait, ou pas.

Philippe Le Claire pour Imaz Press Réunion

 

Et aussi…

Des décharges sursaturées, mais rentables

Il y a quelques années, l'INSEE Réunion appréciait à 610 kg la quantité de déchets ménagers produite par personne et par an. En 2012, en était à 680 kg/personne sur la Cinor. Un constat qui pose problème en ce sens que l’île ne compte que deux sites d'enfouissement, dont on sait depuis belle lurette qu'ils devaient arriver à saturation, en 2014 pour celui de Sainte-Suzanne (Bagatelle), en 2015 pour celui de la Rivière Saint-Etienne (Saint-Pierre).

Faute de solution de remplacement, l’exploitation de ces décharges est prolongée. Et si du côté des syndicats mixtes de traitement des déchets des microrégions Sud, Ouest, Nord et Est, on s'est intéressé de près à l'implantation d'incinérateurs, en attendant que ces projets extrêmement coûteux aboutissent, des centaines de milliers de tonnes de déchets continueront d'être déversés par des norias de camions sur les deux centres de stockage des déchets ultimes… avec tout ce que cela implique comme nuisances et pollutions.

L'Union européenne impose pourtant une date butoir, qui envisage de “quasiment ”  éliminer les décharges d'ici 2020, et pour ce faire de parvenir préalablement au recyclage de la moitié des déchets ménagers ; on en est loin.

Le retard pris par les collectivités s'explique notamment par leur lenteur à s'organiser. Selon la Chambre Régionale des Comptes (Rapport d'observations définitives - politique de gestion des déchets ménagers menée par la CINOR - juillet 2009), dès juin 2007, il avait été décidé de créer “un syndicat mixte départemental de traitement des déchets réunissant le département et les cinq intercommunalités de La Réunion… ”  On a péniblement mis sept ans pour en créer deux. Le second, le Syndicat intercommunal du traitements des déchets du Nord et de l'Est (SYDNE), ayant été porté sur les fonds baptismaux le 11 février dernier, quasiment un an après son prédécesseur de des microrégions Sud et Ouest (Civis, Casud et TCO).

Cette inertie fait les affaires des entreprises qui captent ces marchés depuis des lustres. Sur la Cinor par exemple, Nicollin Réunion et la STAR (Filiale de SITA Groupe SUEZ Environnement), se sont imposés durablement comme les principaux opérateurs de collecte des déchets ménagers ; jusqu’en 2015, où Nicollin Réunion a perdu le marché de la Gestion et du transit de la Jamaïque qu'elle assurait depuis plus de 12 ans. Un marché qui prévoyait la réception, la pesée, la facturation et le transfert des déchets vers les centres de traitement. Selon le dernier rapport  sur le prix et la qualité du service public de collecte et d’élimination des déchets ménagers (SPED 2012), "plus de 135 600 tonnes de déchets ont été collectées et traitées sur l’Agglomération du Nord (…) contre, 140 000 en 2011 et 140 067 en 2010…"

Ainsi la Cinor peut-elle se féliciter de ce que "comparativement aux deux années précédentes, la diminution du tonnage global des déchets gérés sur le territoire CINOR, mais aussi la diminution du tonnage de déchets enfouis à Sainte-Suzanne, se confirment…" quand bien même les indicateurs financiers de ce même SPED 2012 font état d'un "coût de collecte et de traitement des déchets de 29,8 millions d'euros, contre 28,9 millions en 2011", pour "un tonnage pris en charge" inférieur de 3,20% par rapport à l'année précédente.

Même phénomène entre 2011 et 2010, selon le SPED de cette année là, qui indique que "le coût total de collecte et de traitement des déchets est de 28,8 M€ en 2011 contre 27,08 M€ en 2010 soit une augmentation de 6,32 % "  et un tonnage pris en charge de 140 161 tonnes contre 143 066,73 tonnes en 2010. Ce qui à la fin de l’histoire fait 7386,73 tonnes d’ordures de moins, mais 2,8 millions d’euros de plus…

guest
2 Commentaires
Sin 2ni dabor
Sin 2ni dabor
8 ans

Cet article écrit par Philippe Le Claire reste dubitatif ...

sainte suzanne
sainte suzanne
8 ans

nous habitant de SAINTE SUZANNE on encaisse tout ses déchets avec tous les problème que sa rapporte
comment se fait il qu on paye aussi cher les taxes
qui encaisse ses dividendes A CROIRE QUE C EST DEVENU UNE VRAI BANQUE POUR SES PERSONNES QUI DIRIGENT CETTE COMMUNE